mercredi 20 janvier 2016

glissement progressif du désir

                            illustration source Toile



z'avions lu:

"Très vite, les déclarations du président de la République et du ministre des affaires étrangères furent amplifiées par une multitude de commentateurs et d'intellectuels.
a la télévision comme dans les journaux, divers spécialistes se relayaient pour affirmer que les djihadistes avaient beau se réclamer du djihad, leurs actions ne devaient en aucun cas être reliées à quelque passion religieuse que ce fût.
"Barbares", "énergumènes", psychopathes": tous les qualificatifs étaient bons pour écarter la moindre référence à la foi.
 Les djihadistes sont des monstres sanguinaires qu'il faut mettre hors d'état de nuire, tonnait le criminologue.
Les djihadistes sont des produits d'un désordre mondial dont l'Occident est responsable, corrigeait le géopoliticien.
Les djihadistes sont des personnalités fragiles qui ont connu trop de blessures narcissiques, diagnostiquait  le psychologue.
Les djihadistes sont des victimes de la crise, rectifiait l'économiste.
Les djihadistes sont des gamins des cités qui ont mal tourné, complétait le sociologue.
Les djihadistes sont la preuve que notre modèle d'intégration est en panne, abondait le politologue.
Les djihadistes sont des héritiers de la vogue humanitaire, leur mobilisation est comparable à celle des étudiants qui s'engagent dans une ONG à l'autre bout du monde, faisait valoir l'anthropologue.
Les djihadistes sont des jeunes qui étouffent dans une société de vieux, ils partent se dépayser en Syrie comme d'autres deviennent cuisiniers en Australie, précisait le démographe.
Les djihadistes sont des enfants d'internet et des jeux vidéo, ils ont abusé de Facebook et d'"Assassin's Creed", glissait le spécialiste du numérique.
Les djihadistes sont de purs produits de notre société du spectacle, ils sont simplement en quête de célébrité, "Charlie" est leur "Koh-Lanta" à eux, résumait le médiologue...

Bref, qu'on aborde le sujet sous un angle purement policier et sécuritaire, ou qu'on l'envisage sous son seul aspect socio-économique, l'affaire semblait entendue: de même que l'islamisme n'avait "rien à voir" avec l'islam, le djihadisme était étranger au djihad.
Tant est si bien que depuis les attentas de janvier 2015, on a envisagé toutes les explications, toutes les causalités possibles, sauf une: la religion.
La religion en tant que manière d'être au monde, foi intime, croyance partagée. Avec constance, ce facteur, comme tel, fut passé sous silence.

Ni simple véhicule, ni pur ornement, ni pis-aller, ni valeur refuge: tout au long de ses reportages iraniens, Michel Foucault a combattu les interprétations de l'islam venues d'un Occident oublieux de son passé, et dès lors incapable d'envisager la puissance propre à l'élan religieux.
"L'islam-qui n'est pas simplement une religion mais un mode de vie, une appartenance à une histoire et à une civilisation-risque de constituer une gigantesque poudrière à l'échelle de centaines de millions d'hommes", avertissait Foucault en février 1979. "Le problème de l'islam comme force politique est un problème essentiel pour notre époque et pour les années qui vont venir" résumait-il quelques semaines auparavant. telle est la leçon d'un reportage signé par un philosophe qui a pu observer de près, et avec bienveillance, la charge explosive de l'espérance spirituelle.
.../...
"Pour la gauche, l'affront est rude. elle qui a toujours placé l'internationalisme au coeur de sa tradition, elle dont tout l'imaginaire politique est structuré par l'idée d'une mobilisation sans frontières, doit reconnaître cette douloureuse réalité: l'islam constitue aujourd'hui l'unique idéal au nom duquel des masses d'hommes et de femmes sont capables de défier l'ordre mondial à travers les cinq continents. A gauche, ce simple constat devrait plonger dans un doute profond. Leur Panthéon n'est-il pas peuplé de militants, célèbres ou anonymes, qui ont risqué leur vie pour pour une cause sans frontières?
"Travailleurs de tous les pays, unissez-vous!" lançaient Marx et Engels dans le "Manifeste du parti communiste". Les exploités doivent se donner la main par-delà les limites nationales : sous ses diverses variantes, cette idée a structuré la culture politique de toutes les gauches;
Aujourd'hui, l'idée d'une solidarité internationale des travailleurs fait place à celle de l'entraide mondiale entre musulmans.
C'est à l'aune de ce glissement qu'il faut analyser le phénomène du djihadisme.

Trop souvent, on l'envisage sous un angle exclusivement sécuritaire et policier. Au sommet de l'Etat, dans les commissions parlementaires ou sur les plateaux de télévision, on s'interroge sur le passé des candidats au djihad, on se demande ce qu'il aurait fallu faire pour prévenir leur départ. Surveillance accrue? contrôle d'internet? Assignation à résidence? On débat aussi des dispositifs à mettre en place pour gérer" ceux qui reviennent du front. Incarcération? "Déradicalisation"? Mais le fondamentalisme religieux n'est pourtant pas une déviance, c'est une certitude vécue, une conviction qui a de la suite dans les idées, une croyance logique à l'extrême.
Si l'on acceptait de délaisser un instant l'approche policière pour parler politique, si l'on déplaçait aussi l'enquête du social au spirituel, alors on poserait la seule question qui vaille: celle de l'espérance. C'est cet enjeu qu'il nous faut mettre en avant à propos du djihadisme: celui d'une espérance si puissante qu'elle emporte par milliers des jeunes du monde entier, capables de tout sacrifier en son nom.
Les précédents ne sont pas si nombreux. Dans notre imaginaire contemporain, quand on évoque ce type d'engagement sans frontières, la référence à la guerre d'Espagne s'impose d'elle-même. Depuis Malraux, chaque génération a voulu avoir la sienne. "L'Algérie, cela a été notre guerre d'Espagne" , confiait Jeanne Favret-Saada, militante engagée pour l'indépendance de l'Algérie et qui avait pris la succession de Pierre Bourdieu à la faculté des lettres d'Alger.
Un peu plus tard, pour la génération 68, c'est l'Amérique latine qui a tenu lieu de front espagnol, lorsque de jeunes Européens vinrent prêter main-forte aux guérilléros cubains ou nicaraguayens. Parmi les quelques français qui firent le voyage, du reste, certains ne peuvent s'empêcher de reconnaître, dans les jeunes djihadistes, des petits frères qui ont emprunté un autre chemin:"Sans épiloguer sur le changement d'ère, et d'espérance, ni de morale, et de câbles d'écrans, je ne peux qu'avouer une certaine compassion pour les nouveaux djihadistes de chez nous". confie l'ancien révolutionnaire Régis Debray. non sans marquer la différence des époques et des références: "Le surmoi révolutionnaire, à gauche, c'est effondré. Ce qui l'a remplacé chez les exigeants, pour qui "tout ce qui n'est l'idéal est misère", c'est le surmoi religieux. après la révolution sur terre, le paradis au ciel. 
Après Guevara, Ben Laden. Après Marx, Allah."

Jean Binrbaum extrait de "Un silence religieux", la gauche face au djihadisme" Edition Le Seuil- Aude Lancelin-extrait de: "La gauche face au piège djihadiste"- Débats- L'OBS-édition n°2671-du 14 au 20 janvier 2016

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reçu ceci:
 
Les Incroyables Comestibles Saint-Nazaire vous invitent à la soirée Ciné-Débat organisé à l'occasion de la projection du film "Demain" de Mélanie Laurent et Cyril Dion.
Vendredi 22 janvier à 19h45 au Cinéville de Saint-Nazaire

Cette projection sera suivie d'un débat autour de l'agriculture urbaine et de la monnaie locale.
Nous vous accueillerons à partir de 19h dans le hall de Cinéville pour une découverte de produits et actions locales.

2 commentaires:

  1. "Demain", un programme politique tout simplement! :) à voir et à revoir....

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    Réponses
    1. Absolument
      et en quelque sorte: "Politique et Quotidien"
      comme chez Nigloo
      ;-)

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