samedi 10 octobre 2015

je viens à vous


Rencontrer une personne hors des “Réseaux Sociaux” était devenu pratiquement impossible.

 L’ironie était admise si elle passait pour du cynisme ; elle était en revanche fermement déconseillée si on y décelait de l’humour

"C’était l’époque de l’étrange passage du divan au “Mur”, aussi appelé curieusement “Réseaux Sociaux” – dont la fonction semblait pourtant d’acter la mort clinique de la société. Ainsi, ils abandonnaient en masse leurs discrètes analyses pour clamer publiquement leurs névroses grandes et petites. Des Pages spécialisées apparaissaient, telle Ma Chère Névrose Point Com, où se déversaient des torrents d’égos plus ou moins malmenés par les parents, le travail, le couple ou des bizarreries moins communes. Peu après, il ne manqua pas d’apparaître une critique de ce nouvel engouement, pour son caractère “individualiste” et “commercial”, appelant à une “union de toutes les névroses solidaires”, ce qui dériva en la création d’ONG de “névroses à but non-lucratives” d’une part et, de l’autre, en la formation des communautés radicalisées voulant abolir la névrose.
La lutte contre ces dernières fit connaître au grand-public les Services Freudiens de la Répression des Sains, dont l’efficacité pour dénicher les bien-portants convainquit tout un chacun d’entretenir sa névrose avec une frénésie renouvelée.

Dos Santos suivait consciencieusement le mouvement, alimentant chaque jour son Mur d’une partie de son “intimité” – le terme avait totalement changé de sens par rapport à l’époque précédente dans laquelle il avait grandi – : une plaisanterie, une lecture, une photo attestant de sa bonne santé, car le MUR exigeait à la fois d’y dédier une bonne partie de son temps et de prouver sans cesse d’une vie hors du MUR (d’où l’obligation de se montrer à la plage, dans des parcs, des montagnes, des cocktails ou dans n’importe quelle situation de préférence agréable), ainsi que quelques phrases réflexives – et si possible dépressives – témoignant de sa sincérité sur le MUR, sans oublier les commentaires sur ceux des autres démontrant son intérêt pour les autres. Au fait des pratiques de la SFRS, il ne manquait pas de se masturber de temps à autre devant des Pages de pornographie, afin que le Service puisse disposer de quelques prises embarrassantes, obtenues grâce à la caméra fixée d’office sur tous les appareils. Ces images, dont raffolaient les agents du Service Freudien qui se les partageaient en Interne souvent accompagnées de plaisanteries graveleuses, constituaient un efficace moyen de pression occulte sur la population. Quiconque dépassant le degré admis de révolte, avait la certitude de voir fuiter son image, les yeux révulsés, la langue pendante, ou avec une quelconque de ces expressions faciales si agréables chez un partenaire de coït mais tout à fait inconvenantes – voire monstrueuses – en public. Pour bien faire comprendre ce nouveau pouvoir, le Service avait entrepris une opération de communication qui avait marqué les esprits. Il avait choisi de nombreuses célébrités, dont il avait divulgué des photos plus que suggestives sur leurs pratiques sexuelles, surtout les plus bizarres. Le public s’était bien entendu rué sur ces clichés montrant des actrices célèbres, de préférence incarnant publiquement une troublante pudeur sinon l’ancienne Vertu, voire directement la virginité, s’exciter en jouant les débauchées pour leurs amants. Puis, chacun avait compris être tout aussi vulnérable que les étoiles ainsi amochées. Dos Santos, lui, avait compris que de ne pas laisser prise à cette vulnérabilité le désignait comme suspect.
.../..."
Johan Sebastien- La suite de la nouvelle chez LUNDIMATIN 












 Coalition Climat 21





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 "Je viens à vous
en connaissance de cause toujours
Je viens  à vous
mes semblables
faune et flore et cailloux
Je viens à vous avec mon ignorance crasse
 mon oubli des noms propres et mon sale caractère
Je tiens à vous je crois en vous renards montagnes corneilles genêts les connus comme les inconnus
Et si j'ai la pensée confuse est-ce qu'elle n'est pas une preuve vivante de notre existence à nous tous vous et moi très confusément
De moi feuilles sueur et vent à vous et plus encore
je tiens à vous"
 Valérie Rouzeau- extrait de: "Va où"

                                 

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