vendredi 15 août 2014

sépia et vieilles dentelles


Mélange des genres
compostion   décomposée.
S'imbrique,
brillez pour nous.



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-LIONEL-

"J'ai d'abord entendu un bruit de grignotement sur la porte.
J'ai cru que c'était le chat du voisin.
Mais ensuite on a sonné.
J'ai ouvert et un homme est entré.
Quelque chose m'a aussitôt intriguée.
Mon rendez-vous suivait mes pas de très près comme de peur de me perdre.
Je me suis retournée, mais son regard a éludé le mien.
Alors j'ai su.
Lionel ne me voyait pas.
Lionel ne voyait pas tout court.
Je l'ai emmené jusqu'au divan à côté du piano et c'est là qu'il a entrouvert les lèvres.
-S'il vous plaît, décrivez-moi la lumière.
-Lui, je pouvais comprendre qu'il veuille m'écouter.
Mais je m'interrogeais secrètement.
Pourquoi la lumière?
Pourquoi pas les couleurs, les meubles, les livres...
S'imaginer l'ambiance dans laquelle il se trouvait.
Non, il voulait la sensation de la lumière.
C'est ce qu'il préférait.
Alors j'ai commencé.
-Elle est oblique, presque horizontale...
Elle nous dit déjà: Profitez de moi encore quelques minutes car je pars.
Une beauté en retrait.
Je l'ai regardé.
Il écoutait, ça semblait lui plaire.
Alors j'ai poursuivi.
-Elle est claire mais pas trop. Jaune. Non, orange. Non dorée.
Des pépites d'or qui vous éclaboussent et s'envolent.
Les mots coulaient.
Petit à petit, décrire la lumière me grisait.
A force d'en parler, elle me caressait les joues.
-Elle est belle, cette lumière dans votre bouche.
Vous pourriez continuer? S'il vous plaît,
Décrivez-moi le bruit.
 -Le bruit ? Mais vous le percevez comme moi...
-Je veux entendre le bruit qu'on voit.
N'est-il pas différent?
N'est-il pas tout autre quand on en connaît la source, qu'on le voit se déplier là sous nos yeux, qu'on anticipe sa chute?
Là, sa requête ressemblait à un examen.
Lui décrire ce qu'il entendait m'effrayait au plus haut point.
Mais il le demandait avec une telle insistance que je ne pouvais lui refuser.
Alors je lui ai raconté le bruit du square qui me donne le rythme de la journée, son point culminant vers 16 h à la sortie de l'école qui peu à peu s'estompe pour mourir vers 20h.
Il y avait aussi le bruit des pas dans la rue.
Des pas pressés, des pas dilettantes, des pas aigus qui devaient s'appuyer sur de fines aiguilles....
Le bruit de la minuterie qui surgissait quand tous autres s'arrêtaient et qui me rappelait le temps qui passe.
Le bruit enfin, le bruit gai de la sonnette à 17h précises; le bruit de ma délivrance.
Son bruit à lui; son bruit de chat, derrière la porte.

-C'est curieux, vous n'avez pas parlé du bois qui craque sous le soleil, du papier qu'on froisse, des pages qu'on tourne...
Le bruit des baisers.
Le bruit de la peau, de la peau qu'on embrasse,
qu'on pince, qu'on caresse...
..../..."

Anne Bourlond
extrait de : "les corps halogènes." Editions du Rouergue.












         





                                

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proposé par Serge:


2 commentaires:

  1. Tu nous donnes un festival de mots, images et videos superbe, bravo!!
    Mais le plus émouvant reste pour moi "Lionel"... Merci !!

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    Réponses
    1. oui Rémi tu as bien raison et j'ai beaucoup aimé aussi ce texte aussi sensuel que pudique

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