vendredi 13 juin 2014

zéro tués





" .../...
"Ils marchaient en silence.
A nouveau, l'homme sentit la colère. il avait laissé là-bas des personnes qu'il aimait, qui valaient bien mieux que lui. Certaines de ces personnes croyaient en celui qui marchait à côté de lui, en son infinie bonté, en son paradis.
Pas lui.

"C'est dégueulasse.
-Je sais.
-Alors pourquoi?
-Je n'ai pas le choix.
-Quoi?
-Pas le choix.
-C'est pas toi qu'as créé tout ça?
-Si, dit dieu en baissant la tête, c'est moi.
-Alors t'avais qu'à créer mieux que ça.
-Je n'ai pas pu;
-Pourquoi?
-Parce que je ne suis pas mieux que ça.
-Je ne comprends pas.
-Je vous ai créés...parce que je me croyais parfait. Mais vous êtes la preuve que je ne l'étais pas. Que je ne le suis pas.
-Et maintenant, à quoi tu joues?
-Je vous perfectionne. Depuis des millénaires, je vous perfectionne;
-Excuse-moi mais ce qui se passe en bas, c'est loin de la perfection.
-Non, pas en bas. Ici. je ne suis pas parfait, mais je ne suis pas mauvais. Je ne peux pas vous tuer. il faut que vous renonciez vous-mêmes à cette vie que je vous ai créé.
-Et tous ceux qui meurent, je veux dire sans le vouloir, toutes ces horreurs! Tu n'appelles pas ça les tuer?
-Non. et c'est peut-être la seule chose qui t'aidera à me pardonner. Depuis votre création, aucun d'entrevous n'est mort. J'ai compris trop tard ce qui allait se passer, j'ai laissé faire et je n'ai accueilli ici que ceux qui n'acceptaient pas. Les autres, ceux qui, comme tu dis, meurent sans le vouloir, ne meurent pas, je les renvoie là-bas. Autant de fois qu'il le faut, jusqu'à ce qu'ils comprennent. Depuis de millénaires, j'attends que vous ayez tous compris?"
-Tu te fous de ma gueule?"

L'homme regarda Dieu et vit que Dieu ne se foutait pas de sa gueule.

"Toi-même, dit Dieu, il t'a fallu trois fois."
.../..."










".../...
tu dis que personne n'est jamais mort?
-Oui
-Que les morts non suicidés retournent sur terre?
-Oui.
-Jusqu'à ce qu'ils se suicident?
-Oui.
-Le savent-ils."

Dieu regarda l'homme avec beaucoup d'intérêt et lui demanda:
"Le savais-tu?"

L'homme chercha en lui la réponse, mais ne la trouva pas.
Il la chercha soncèrement et ne la trouva sincèrement pas.
"Je ne sais pas", dit-il.

Dieu s'arrêta de marcher et se tourna vers lui;
L'homme l'imita.

"Moi non plus, dit Dieu. Je pense qu'ils le savent, tout au fond d'eux, mais que peu d'entre eux arrivent à regarder jusque-là. Certains, comme toi, y parviennent, s'échappent et se retrouvent ici. D'autres y parviennent aussi, comprennent, mais décident de rester quand même. ils savenbt pourtant, mais ils ne me pardonnent pas. Ils pensent que je suis un monstre, et qu'ils peuvent réussir ce que j'ai raté. Ils s'obstinent à vouloir vous améliorer, mais c'est impossible. Ils finissent en général par comprendre, et il leur faut parfois plus de cent retours pour me pardonner, se uer, et arriver enfin ici. Entre-temps, ils se multiplient, ils empêchent un tas de gens de comprendre, ces gens se multiplient...Entre-temps, ma tâche devient de plus en plus difficile.
-Impossible, dit l'homme.
-Peut-être, dit Dieu, mais je n'ai pas le choix. Je vous avais envoyé mon fils en messager, pour qu'il vous explique, pour qu'il vous amène à la compréhension...Mais mon fils m'a trahi. il s'est laissé prendre par votre soif inhumaine de vie, il s'est rebellé, et il vous a raconté n'importe quoi...Il passe son temps là-bas, il y est retourné et retourné...il a pris toutes sortes de formes, toutes sortes de noms, et il a continué de vous tromper;
-Et toi, alors? dit l'homme, qui avait eu de la sympathie pour le fils de Dieu. tu ne fais que rester là à attendre.
-Non, dit Dieu, j'empire.
-Pardon?
-C'est moi qui te demande pardon...Oui, j'empire, parce que vous êtes trop peu à comprendre. Tout dans votre monde, jusqu'au sort de la plus petite fourmi, est inacceptable, mais vous acceptez. La méchanceté, la haine, la violence sont partout; Autour de vous, en face de vous, en vous. L'horreur sous toutes ses formes. Mais ce n'est pas encore assez, vous continuez à vivre, à dormir, à créer...A vrai dire, je ne sais même plus quoi inventer. Comment faites-vous pour supporter toutes ces horreurs permanentes?...

Dieu implora du regard l'homme auquel cette question n'avait pkus à être posée, et l'homme ne put répondre à Dieu; Non seulement parce qu'il n'avait plus à répondre à cette question, mais aussi parce qu'il n'en savait rien.

"Vous ne pourrez jamais changer tout cela, reprit Dieu, même ceux "qui font tout pour que ça aille mieux, qui aident les autres, qui se sacrifient..."Vous vous obstinez à voir le "bon côté des choses", mais les choses n'ont même pas de côtés...L'amour est votre grand sauveur, et sans doute oui, l'amour est très joli, mais il ne suffit pas à racheter le reste, il n'y suffira jamais. Le mal est dans votre nature, vous devez changer de nature...Et vous ne pourrez vivre en paix qu'après avoir renoncé à votre vie."

Dieu regarda l'homme qui lui rendit son regard;
puis l'homme laissa Dieu et se dirigea vers un pré.
.../..."






".../...
On s'est assis dans l'herbe
On s'est assis dans l'herbe et on a commencé à parler.
Là, au milieu du pré.

Il est très important que vous voyiez le pré.
vous avez forcément un pré. il faut que vous le retrouviez;
Je pourrais le décrire mais ce ne serait pas votre pré; Et c'est votre pré qui compte.

Vous êtes donc assis dans l'herbe et vous avez commencé à parler.
c'est pourtant la dernière chose à faire. Vous alliez vers quelque chose, des choses vous attendaient, et vous, vous vous êtes assis dans l'herbe. Mais pas soudainement. non, vous y avez d'abord pensé. 
en entrant dans le pré, peut-être, ou déjà avant, en l'apercevant, vous y avez pensé.
Vous y avez pensé et vous avez ensuite décidé. Que les choses pouvaient attendre. Que ce que vous vouliez, c'était vous asseoir là, avec elle, avec lui, dans le pré, et commencer à parler.

C'était le plus beau moment de votre vie. A ceci près que ça n'a pas été après, à travers le souvenir, que vous l'avez pensé. Vous l'avez pensé au moment où vous le viviez.
Vous étiez en train de vivre quelque chose, et vous saviez, au moment où vous le viviez, que c'était la plus belle chose de votre vie.
D'être assis là, dans l'herbe, avec lui, avec elle.

ça ne vous a pas rendu fou. vous ne vous êtes pas mis à crier. Vous avez pour ainsi dire accepté, admis, que c'était le plus beau moment de votre vie.
Vous avez calmement accepté;

Et puis soudain, alors que toute chose s'en allait, revenait, vous avez vu, vous avez su que ce moment allait durer, allait continuer, ne jamais s'arrêter.
Que le plus beau moment de votre vie allait durer toute votre vie.
Et là, vous avez souri. Mais on ne vous a pas demandé pourquoi vous souriiez parce qu'il, parce qu'elle, souriait aussi."

Régis De Sà  Moreira - extraits de:"Zéro tués"Editions Au Diable Vauvert-





".../...C'est une plume légère, mais qui parle durement. Car sous ses apparences loufoques et délurées, cette histoire d'un réalisme profondément humain nous invite à voir, au-delà de cette face légère et rieuse que nous donnons tous à nos vies, ces questions que l'on se cache parfois trop bien. Mais même si la vie est dégueulasse, si son sens est parfois camouflé, tout compte fait, on s'accommode et c'est OK. Zero killed. Zéro tués. "

Catherine Bourguignon -Source: MY BOOKS





photo Chantal B.








2 commentaires:

  1. Eh bé dis donc, quelle profondeur dans ce pré, ce matin ! C'est quasi un pré vert. Vert m'y fus-je, peut-être, mais vert tout de même. En vert, et contre tous. Contre ceux qui vont, contre ceux qui viennent, comme les pirogues.

    RépondreSupprimer
  2. vi t'as remarqué aussi
    ...
    je dois dire que j'ai été scotché par ce bouquin qui parle (en autre) d'une chose ô combien taboue chez judéo-chrétien... "le suicide" et il en cause de manière détendue, décalée.
    merci pour le pirogues
    ;-)

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...