mardi 8 janvier 2013

Descendre dans la rue?





"Bon, les opposants au mariage pour tous nous promettent une manif monstre pour le 13 janvier aussi impressionnante que celle qui a fait craquer Mitterand en 1984, à propos d'un service unifié de l'Education nationale.
On rêve! Ils vont descendre dans la rue, notamment les cathos de droite, pour défendre la famille et la filiation "normales" alors que l'extrait de naissance du petit Jésus et le livret de famille de ses "parents" ne sont pas des plus normaux ni des plus clairs!
Ce qui surprend, inquiète, est une sensation de "tout ça pour ça" dès lors que la terre maltraitée est en bascule et l'humanité tout entière en danger. Ne convient-il pas de remettre la cause des personnes homosexuelles à sa place qui est celle d'un débat de société au plus près de l'évolution, voire de la mutation profonde des paradigmes de genres telles que, entre autres, les observe Elisabeth Badinter?

Descendre dans la rue, oui, mais à propos de la Syrie et de ce qui s'y passe en temps réel sous nos yeux, comme si la leçon du Rwanda s'était évaporée dans nos esprits. Face à la monstruosité en cours, la culture des pays occidentaux, pourtant raffinée depuis des millénaires, reste impuissante devant la barbarie. Du temps de l'efflorescence vénéneuse du nazisme, elle a laissé faire Auschwitz. Plus que jamais, la déroute de la culture humaniste face au mal est la plus grande et la plus torturante énigme de notre temps. Qu'est-ce qui fait que la vieille Europe de Bach, Mozart, Ricoeur ou Lévinas laisse faire Assad? Pourquoi Buchenwald tout près de Weirmar, la ville de Goethe, pourquoi la Syrie à quelques heures d'avion de l'Europe des lumières? 

A ce jour, en expirant, quarante deux mille morts en Syrie soufflent un vent d'hiver sur le "Printemps arabe". 
Dans un pénétrant essai, Georges Steiner développe ces questions brûlantes et écrit: "Quand les premières rumeurs des camps de la mort parvinrent clandestinement de Pologne, on refusa de les prendre au sérieux: il ne se passait rien de tel, en Europe, au milieu du vingtième siècle. Aujourd'hui, il est difficile d'imaginer un acte de cruauté, un accès de répression ou de dévastation qui nous dépasse, qui ne trouve pas spontanément sa confirmation. Moralement et psychologiquement, il est effroyable de rester aussi impassible. Ce nouveau réalisme ne peut que se faire l'allié de ce que la réalité renferme de moins acceptable."

Descendre dans la rue, oui, mais pour manifester notre solidarité (travailleurs sociaux en tête du cortège) et notre volonté de partage avec les pauvres dont l'humanité, de plus en plus, s'effondre sous le poids du chômage, des factures, du mal logement. Promis au moment de la dernière campagne pour l'élection présidentielle, une réforme profonde, un bouleversement de la fiscalité, n'ont pas dépassé les limites d'un réformisme politiquement frileux. La voix des marchés est plus puissante que celle des pauvres.Après avoir reçu les perfusions financières des Etats, les banques ont retrouvé une santé d'autant plus insolente qu'elle se conforte en refusant du crédit à la plupart des PME. Pourquoi les Etats qui l'avaient promis n'ont-ils pas contraint les banques à séparer leurs activités de crédit et de spéculation?

Dommage qu'il n'existe pas, indépendante, une agence de notation de la révolte et de la solidarité pour compter les manifestants dans la rue en lieu et place des syndicats et de la police. Quelle serait la note de la gauche?

Descendre dans la rue, oui, mais pour exiger la constitution d'une véritable Europe fédérale alors que depuis cinquante ans les Etats, nationalistes et égoïstes, accouchent au forceps de souris institutionnelles dérisoires, n'était le soutien poussif de l'euro.
Pourquoi une grande vision politique, historique, pourquoi une synthèse civilisationnelle manquent-elles aux politiques éparpillés et agités dans des instances européennes redondantes et politiquement stériles. Le sens profond du Nobel de la paix décerné à l'Europe n'est-il pas celui d'un rassemblement fédéral urgent, d'une transcendance de nos rivalités et de nos identités? A voir au prochain sommet...

Descendre dans la rue, oui, mais pour hurler contre de qui s'est passé à Doha, ou plutôt contre ce qui n'est pas advenu en matière de protection environnementale, au mépris de la signification des grandes catastrophes climatiques présentes et à venir.

Descendre dans la rue pour changer nos modes de vie, changer nos vies.

Descendre dans la rue, laïcs militants, pour s'opposer frontalement à la montée de l'islamisme radical et de toutes les politiques, pressions, violences et tortures exercées "au nom de Dieu"; pour s'opposer aussi aux prétentions sionistes d'un peule soit disant "élu" sur une terre prétendument "promise" par Yhave qui, décidément, est le pire ennemi de lui-même.

Descendre dans la rue enfin, pour rencontrer l'autre innombrable et frère de luttes en ce temps de Noël. et gageons que les couples homos seront là, avec leurs gamins."
-Jean Cartry-

-Ce texte a été publié dans l'Hebdomadaire "Lien Social" n°1087-




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