mardi 12 juin 2012

traverser la nuit

source: Toile

- Collection de titres-

"Je dois reconnaître que les histoires m'intéressent assez peu. A tout prendre, je préfère les historiettes. dans certains livres, je file directement à la table des matières. Souvent, les titres me suffisent. Je fais depuis longtemps collection de titres; C'est une manie qui remonte à l'enfance. on peut collectionner toutes sortes de choses, mais la collection de titres est de loin la moins coûteuse. elle nécessite peu de matériel, se conserve à l'infini et, surtout, n'engage à rien. enfin, presque. Les mots sont souvent des titres qui s'ignorent. Paresseux, certains traînent en ville ou à la campagne, par tetits groupes. il suffit de les ramasser comme on le fait avec les champignons, ou les feuilles que l'on glisse dans un herbier.
Peu à peu, ma collection s'allonge;
Mais il faut être prudent. le comble pour un titre serait de ne pas tenir ses promesses. en la matière, la présomption se paie cher. Le titre idéal n'en dit pas trop, n'en a pas l'air. Pâle et sans effet, il se tient embusqué dans un entre-deux;
Il attend."


source: Toile


-Le coup de la soudure-

"La nostalgie suscite la méfiance.a peine énoncée et la voilà déjà synonyme de mélancolie, mais tant pis pour nous;
"Ne marche pas sur les câbles, me disait rituellement mon père lorsque nous étions dans l'atelier, et ne mets pas les mains dans tes poches, c'est dangereux, si tu tombes, tu t'éclates la tête;"
Qui aurait osé le contredire? Il soudait du matin au soir, toutes sortes de métaux, tubes, profils, carrés, soudure à l'arc ou à l'argon, à l'acétylène aussi, c'était son métier; il devinait intuitivement que la nature s'autorise souvent des entorses au règlement, et il considérait le métal d'un oeil sceptique. une bonne soudure, m'expliquait-il, doit résister à l'épreuve de la radiographie.
Il emmenait partout avec lui ce doux parfum de fer brûlé, imprégné dans ses vêtements, ses cheveux, et peut-être même sa peau; L'odeur est bien le plus tenace des souvenirs. Qu'il me suffise aujourd'hui de croiser un chantier dans la rue, comme ce matin, traversant en toute innocence un nuage volatile chargé de cet arôme métallique.
J'en frissonne et retire sur-le-champ les mains de mes poches.
Le nuage s'éloigne déjà, rusé comme un fantôme."


Deux extraits de "Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit" de Fabio Viscogliosi-Editions Stock-
 


source: Toile





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