dimanche 30 novembre 2008

la guyane comme si on y était... ou... presque...


Nos médias nationaux nous parlent à peine de ce qui se trame en ce moment du côté des colonies- heu! pardon: départements d'outre mer, je vous propose donc de lire une chronique guyanaise- du vécu comme on dit cela se passait il ya quelques jours à saint laurent du maroni (merci au lecteur qui m'a envoyé ce courriel)

-Saint-Laurent du Maroni, jeudi 28 novembre 2008, 17h20 ici

"Vous savez ce qu'est une opération "ville morte" ? et "département mort" ? et "région morte" ?
Voilà ce qui nous arrive.

Il ne vous aura pas échappé que le prix du baril de pétrole est en chute libre depuis l'été dernier. Eh bien, ici le prix du carburant est en... chute ascensionnelle ! Il a pris 20 centimes (d'euro, la monnaie en Guyane c'est l'euro, comme chacun sait) depuis cet été, après en avoir pris autant depuis le début 2008. Nous payons actuellement 1,55 € le litre de gazole et près d'1,80 € le litre de sans plomb. Avec parfois des variations... officieuses.Un plein nous coûtait 35 euros il y a un an, 60 euros au moins à présent. Nous avons décidé d'attendre encore un peu pour allumer le chauffage.

Depuis 2 jours, il est arrivé ce qui devait arriver : les routes sont bloquées. Il est vrai que le niveau d'équipement routier en Guyane permet de bloquer le territoire entier avec ce qui suffirait à peine pour boucler Caussade ou Alençon...
Résultat, au bout de 48 heures : plus un seul commerçant ouvert :
- Nos deux "grandes surfaces" (enfin... il ne faut rien exagérer) ont fermé leurs portes hier lorsque les rayons se sont trouvés suffisamment soviétisés,
- Tous les commerçants chinois ont fermé boutique, par solidarité, affirment-ils. C'est peut-être en partie vrai, mais il faut envisager deux autres facteurs : tout étant bloqué, les agents de sécurité qu'ils ont l'habitude d'employer ne peuvent plus venir travailler, et ils doivent redouter des pillages ; ensuite, leur diasporale solidarité les empêche sans doute de se faire mutuellement concurrence.

Nous pouvons plus nous déplacer. Les barrages ne se franchissent plus qu'à pieds, et pour aller à mon école je devrai désormais marcher 10 km sous un cagnard de 50° au soleil... Mais le maire de Saint-Laurent, ancien ministre a posé un acte politique à haut risque en décidant la fermeture des écoles par arrêté municipal. Me voilà en chômage technique jusqu'à nouvel ordre, mais gageons que je serai payé tout de même.
Par contre, les enfants sont privés d'une école aux moyens déjà dérisoires, voilà qui ajoute au principe d'égalité des chances.

Si la crise n'est pas résolue (et donc les barrages levés) lorsque notre frigo sera vide, il nous restera quelques solutions alternatives pour se nourrir : aller nuitamment déterrer le manioc dans les abattis des bushinengé ou des amérindiens, en prenant garde de ne pas se prendre un coup de machette ou un crochet de serpent. Ou bien aller passer une nuit sur le fleuve avec un indien pour rapporter quelques poissons bien mercurés, ou encore apprendre à tirer et se faire prêter un fusil. Comme l'on voit, nous ne sommes pas en reste.

Yaplu d'avions ! les dépôts de l'aéroport de Rochambeau sont vides, car les tankers et les porte-conteneurs ne sont pas déchargés à Cayenne. Donc, soit ils font demi-tour vers la métropole, soit ils vont vendre et décharger leur cargaison à Paramaribo (Suriname). Quand Pilou rentrera dans quelques jours, il devra peut-être traverser le fleuve pour aller à Paramaribo prendre un vol pour Amsterdam. GrandJo, il faudra te lever tôt pour aller le récupérer à l'aéroport !

Résumons : plus un seul commerce. Plus d'accès aux soins : l'hôpital qui ne peut stocker des tonnes de médicaments a annoncé qu'il n'assurerait plus qu'un service minimum. Plus de déplacement possible. Plus de service (poste, banque...).
Et des émeutes qui commencent à faire du bruit, avec barricades, poubelles et voitures en feu, e tutti quanti.

Mais tout ce que nous vous annonçons ici, vous devez déjà le savoir, car nos médias font bien leur boulot (radio, télévision, presse hexagonale...). La preuve : nous avons entendu parler du blocage de l'aéroport de Bangkok.
Comment ? non ? vous ne saviez pas ? Alors, le plus scandaleux dans tout ça, c'est que les médias ne doivent plus avoir accès à l'Internet. Sinon, comment envisager un tel black-out ? Heureusement que nous, nous y avons accès !

N'avons-nous pas entendu, par le passé, un petit bonhomme gesticulant se gargarisant de pronoms personnels à la première personne du singulier : "J'ai décidé... Je ne supporterai pas... Je trouve inconcevable... Je demande que... etc. etc." Mais... où sont-ils, nos politiques, nos élus, actuellement ? eh bien, ils discutent du prix du SMS avec les opérateurs de téléphonie...
Et les médias ? Dites-nous donc : dans n'importe quelle région, n'importe quel département de l'hexagone (à certains endroits plus qu'à d'autres, d'ailleurs), les télés, les radios, la presse écrite se presserait autour des hommes et des femmes politiques pour faire d'hénaurmes coups de projecteur. Pourtant nous avons ici tout ce qu'il faut : un conseil régional, un conseil général, un préfet et un sous préfet, un maire-ancien ministre... les piles sont-elles à plat ? Ou n'y a-t-il pas de tables ni de chaises pour s'asseoir et discuter ?

Quant à la Guyane, qu'elle soit française (Kourou...) ou sauvage (Saint-Laurent du Maroni), elle est dans le noir (sans mauvais jeu de mot). Pas de projecteurs officiels pour nous. Alors, aidez-nous, aidez la Guyane, faites circuler ces informations au plus grand nombre possible de vos connaissances, afin que beaucoup de monde sache qu'il y a des territoires français laissés pour (solde de tout) compte.

JojoPilou Rien que pour vous"

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